Eveil



Elle ne valait pas cette peine. Définitivement pas cette peine.
Je le savais, et pourtant dans mon fort trop extérieur, le monde me l’avait dit.
Mais tant pis, je l’aime pour ce moment, celui qui vient mais déjà vécu cent fois.
Elle ne pourra pas l’aplatir. Aussi puissant que je le veux.
J’entends déjà l’univers me dire que tout cela est vain, futile et bas.
L’acte d’un fou, la jouissance d’un rat.
Mais les rats ne savent pas ce qu’est jouir vraiment,
De s’écarteler soi-même dans le sang.
Ce n’est pas de la folie, je suis fait pour ce moment.
De toute façon, elle nous a déjà tué, à petit feu, au court bouillon,
Ses désirs plats et son manque d’abstraction.
Je veux tuer, je dois tuer, échapper au sort, aveugle et mort,
Le meurtre en communication.

Je dois sortir, maintenant, tant que je ne sais pas encore pourquoi,
Faire taire le pleutre en moi,
La voix des autres, mon cocon sale, poussiéreux,
Quelques assiettes vides sous le néon cotonneux.
Mes pas, si ce sont les miens, m’amènent sur ce parking,
Où j’ai attendu son regard pendant des mois.
Planté là, sous l’appentis humide d’un restaurant,
J’allume une cigarette.
Je n’ai jamais aimé quelle fume.
Tant pis, la pluie éteindra la brume.
Elle sort enfin, avec ses copines, ultime à demain.
Je m’allonge sur la banquette de sa voiture,
Elle ne ferme toujours pas la porte trop dure.
Les néons des restaurants s’agitent sur son visage,
Je tends le fil de fer entre mes doigts sages.
Sa petite nuque fébrile, à ma portée tremblante,
Se hérisse de pointes frissonnantes.
Cheveux attachés, pourquoi ? D’ordinaire, tu ne les attaches pas.
Tu freines en route, le feu éclaire la voiture à travers les gouttes.
Mon manteau frotte le siège, tu sens mon piège.
Arrêt pour des cigarettes. Laisse courir, insouciant.
Je n’ai plus beaucoup de temps.

Elle doit payer mon amour, elle ne pouvait pas nous faire ça.
Elle n’est pas touchée, elle rit avec ses amies déjà.
Et c’est moi le dingue, le malade, mais elle ne sait pas ce qu’est aimer vraiment.
Les véritables exigences, ce n’est pas du moment.
Des vacances, un enfant, une maison, c’est cela être avec toi ?
Mais le couple, petite fille, ce n’est pas un contrat.
Pas de clauses, ni de conditions, c’est absolu, égoïste, sans lois.
Je dois terminer ma mission, mon avènement, ma voie.
Elle ne revient pas dans la voiture. Nous ne sommes pas chez nous.
Son ex… Elle a tué notre moment, elle m’a tué.

Ca n’a plus de sens, je n’étais qu’un essai.
Une tentative de vie. Un contrat non rempli.
Je ne peux pas, je ne veux pas la tuer.
Je ne peux pas être un acte médiocre.
Je descends de la voiture, filant sous la pluie battante.
Mais à chaque pas, elle meurt, elle meurt et meurt encore,
Son vide me saute au visage.

Mon cœur bat au rythme de mon destin longeant ma colonne vertébrale.
Il mène à une fin rapide, conçue pour atteindre le flux de l’absolu.
Parmi les restes de mon corps tombant en morceaux, mon silence rampant reste inconnu.
On m’attend dans les plus profonds recoins de la dernière Atlantide connue.
Les peurs pratiques de l’âme sont exclues. Mais le prix de la liberté est cher,
Les derniers sentiments électriques du cerveau, noyés.
J’ai besoin de communier, d’être. Seul mon acte me libérera.
Mais pas avec elle. Plus avec elle. Il est temps.
Merci mon amour, ton indifférence m’a vu naître.

J’avais besoin d’un autre toi,
J’ai continué d’espérer nos instantanés,
Mais pas toi, pas toi, pas toi !
Ca ne me fait plus rien, ça ne me fait plus rien !
Ta tête éparpillée, en pièces, en moi !
Je voulais te donner cette intensité,
Mais tu n’en as pas besoin, pas besoin, plus besoin !
De quoi as-tu vraiment besoin ?!
Besoin de stabilité, morte née, probablement de saigner !
Tu ne pouvais plus me supporter, j’ai bien compris,
Tu ne pouvais plus attendre, tant pis,
Plus compter tes jours perdus, merci.
Ceux là, ce sont les miens.