Pouvoir vivre
Pour pouvoir vivre avec nous-mêmes
Rabattre les fautes, les hauts le cœur,
Le dégoût sur le reste,
Le chien, la femme, l’enfant, le travail,
L’œil à la traîne.
Pour continuer à vivre avec nous-mêmes,
Se supporter.
On court après un maître, une laisse, un paradis irresponsable,
Pour pouvoir continuer à se plaindre,
Pour pas faire face à sa honte, sa torpeur.
La morale en bouclier et le glaive expérience,
Je lui prête le flanc bien volontiers.
Je sens la langue dure et froide pénétrer,
Remonter jusqu'au cœur.
Allez y, ça marche, je suis presque à vous,
Tellement de plans, tellement de certitudes,
Je plie, je plie sous vos croix et vos mœurs.
Je dormirai au sein de votre étreinte soyeuse et chaude,
Tandis que vous glissez vos armes... le long de mes côtes.
Je suis à vous, le réalisme et la pratique, la vie en commun,
Pourfendeurs de mystiques je vous rejoins dans la traque des rêves de va-nu-pieds,
Je suis votre allié.
Vous trouverez en moi la marque du soldat,
Du seul chemin acceptable, de la tolérance,
Je serai le premier sur les barricades du contrôle,
Et j’irai à la mort, pour vous.
Car je suis déjà vidé, égoutté, pressé,
Je suis déjà mort !
Nous sommes déjà morts, tous morts pétrifiés,
Lovés dans nos idéaux sceptiques,
Croyant nous prémunir des prédicateurs zélés,
Nous avons tout mis sur le même niveau,
Nous avons lâché la bride... de l’autorégulation.
Mais la bête, l’ennemi rôde toujours dans les couloirs,
Il court à travers les rangs, et personne ne bouge,
De peur de le voir s’agiter trop bruyamment.
J’attends son heure sereinement,
Respirant chaque bouffée de son souffle,
L’étendard planté dans mon dos,
Je l’entends qui murmure,
Qui gronde sous le glacis du temps.
Je ne désire pas vous prévenir,
Ou le château s’effondrera,
Je n’expliquerai pas le déroulement du plan.
Il ne peut pas y avoir de plan.
Personne ne s’agite lorsque la messe est dite.
Personne ne s’excite, ne brise ses conventions
Lorsque la route est indiquée,
Fût-ce vers la route des damnés.
Voyons comment bouge le château sans opposant social.
Sans règle morale. Sans critique imparable.
Juste en voulant voir le monde brûler.
Juste en voulant voir les gens s’entre dévorer.
Voyons si c’est naturel. Si c’est juste. Si ça s’organise.
Parasites… Ecoutez bien…
Introduisons un peu d’anarchie,
De désordre, et voyons comment la bête réagit.
Celle que nous partageons tous, que nous sommes, que nous souhaitons chasser
Parce qu’inconfortable, elle hurle si on l’enterre sous les habitudes du vide.
Du rien. De l’ordre du rien.
Et si l’on pousse le bouchon assez loin,
La bête est prise en compte,
L’évanescente illusion du contrôle.
Ne prend-t-elle pas des airs charmeurs ?
Je suis à vous ! Prenez moi, je vous laisserai faire, car je vous aime.
Je vous veux dans mon corps,
Vous sentir battre et vibrer dans mes tripes.
Vous agiter sans vergogne, sans conscience du mal que vous me faites.
Allez y, je vous en prie…
Vous serez tous mes enfants, il ne faudra qu’une étreinte,
Un moment de partage, de chaleur et d’écoute,
Pour que je puisse vous serrer contre ce souffle,
Ce murmure régulier et puissant.
Je vous attends.